L'exquise sensation du rejet de Valéry Zabdyr
L'exquise sensation du rejet de Valéry Zabdyr
La déréliction est un sentiment quelque peu masochiste. Mais elle permet d’entretenir avec soi et les autres une sorte de mansuétude quand rien ne va. D’où l’aspect particulier de ce roman de formation. Il ressemble quant à l’approche du monde et de la vie à L’Amérique de Kafka.
Zabdyr comme son aîné y traite par l’ironie et la farce ce qui ne prête pas forcément à rire.
Mais c’est une manière de traverser la vie lorsque, au sein même d’une période de construction, “la perspective, l’anticipation, le bonheur avaient été rayé des dictionnaires”. La condition verticale dans un univers brut et fermé n’est plus de mise : “tous avaient les jambes en l’air” mais pas pour s’y envoyer — même si l’auteur ne se prive pas de raconter des anecdotes mordantes. Il s’agit juste de la situation sartrienne de ceux qui se retrouvent dans les poubelles autant de l’Histoire que de Paris ou de sa banlieue.
Un homme, qui a tout réussi dans la vie sociale et matérielle, raconte méchamment ses déboires amoureux et son passé de jeune voyou. C’est le roman initia-tique d’un jeune banlieusard. Suite à la désagrégation violente de son couple, le narrateur, plein de morgue et d’ironie, se souvient du quartier de son adolescence perturbée et de la mort des êtres proches. Ce récit d’une déroute et d’une renaissance passe par les hôpitaux pour tétraplégiques, la prison, les rues de Paris et de Vézelay. Le héros raconte, à travers des anecdotes croustillantes, ses nuits en garde à vue, ses beuveries entre amis qui finissent en bagarres de rue, sa passion de la littérature qui va l’éloigner de ce monde d’aventures prolétariennes. Qui sème la haine récolte la littérature!
Valéry Molet est écrivain. Il a publié une dizaine de livres : récits, nouvelles, essais et poésies.