Lisez donc Hugo, c'est un ordre!

En 2017, il est possible que la vérité – cette esthétique de la réalité – puisse enfin éclater au grand jour. Oui, Victor Hugo ressemble bien au grand écrivain du vingt et unième siècle. Des Misérables à L’Art d’être grand-père, il n’y a presque que la moitié des pages à jeter. C’est tout à fait remarquable pour un écrivain aussi fécond. Par comparaison, de Léon Bloy – autre grand écrivain du 21e siècle –, il ne reste qu’un peu plus d’un tiers de l’œuvre. Si l’on se fait plus cruel encore, les livres de la plupart des écrivains, en dépit de l’amplification muséale qui les préserve pour le plus grand bénéfice de la postérité du formol, ont déjà disparu à due proportion de leur présence sur les étals des libraires. Il y a une énigme Hugo. Il est sentimental, idéaliste, pleurnichard parfois, grotesque, mais il marque toujours. C’est le Gert Muller de la littérature. A genoux, dans des positions bizarres, en déséquilibre, il réussit où les autres échouent. Il est tellement puissant, que s’il y avait une justice, on le brûlerait sur la place publique. Son sens de la formule, le gigantisme de ses intrigues, ses personnages sont autant d’animaux domestiques qui laissent leurs poils sur les coussinets de notre cervelle. Victor Hugo est seul. Nous sommes seuls. La rencontre était inévitable. Quand je pense que les collégiens – ces orphelins du culot – doivent en ingérer des pages entières. C’est incompréhensible de laisser ces pauvres enfants face au monstre. Trop jeune, la lecture de Hugo vous dégoûte à tout jamais de la littérature. Hugo ne devrait être lu qu’à hauteur d’homme. Au moins, à cet âge – 40 ou 50 ans –, la souffrance de n’être pas ce génie a quelque chose de réconfortant. On se dit qu’on a bien fait d’être fonctionnaire ou docteur. A défaut, on serait resté à sa cheville et la honte d’être inférieur à un tibia aurait pu nous pousser au suicide. Lisez donc Hugo, c’est un ordre ! Et puis, c’est si rare d’éprouver du plaisir sans avoir à enlever sa culotte.

VZ